itineraire mis-a-jour le 25/12/2011, 26 100 km parcourus

dimanche 27 novembre 2011

14/11/11 Entre Francos

Malgré les fenêtres givrées de notre hôtel et les cîmes enneigées qui tournent au-dessus de nos têtes, Tatvan est une ville chaleureuse. C'est comme si tout le dynamisme de la région, chassé par le froid, s'était réfugié ici:  les boulangeries, les kebabs, les vendeurs de noix et de thé, les marchands de légumes qui vendent des choux tellement gros qu'on pourrait envelopper trois bébés dans la feuille extérieure. Tout ici a une couleur et une saveur.
"Baklava"
"Ekmek"
"Le volcan Nemrut et le lac Van qui cohabitent avec la ville"

En quittant la ville, nous décidons de tenter l'ascension du volcan Nemrut malgré quelques avis nous le déconseillant. On se tape 20 des 24 km de montée raide pour aboutir les deux pneus dans la neige. Un opérateur dans son chasse-neige ne peut s'empêcher de rire en nous voyant et passe sa main au niveau de sa taille avec l'air de dire:"Impossible les touristes, y'a de la neige jusqu'au nombril là-haut". Merde pour les lacs chauds de Nemrut et ses structures rocheuses. Ce sera pour une autre fois. En redescendant, on s'arrête dans un hôtel perché sur la montagne pour se réchauffer. L'hôtel est fermé mais un gardien veille. L'hôtel est désert et froid. Dehors, c'est la tempête de neige. C'est exactement comme dans "Shining". On s'attend presque à voir à tout moment Jack Nicholson surgir d'un coin sombre, le regard fou.


On en a marre de geler. Les doigts mauves de Clément saignent maintenant en permanence. Bientôt, ils vont tomber. Pour les prochains jours, la priorité c'est de SORTIR DU FROID. Alors, on roule comme des bêtes. On passe à Bitlis comme des éclairs. Ça ressemble au Vieux-Québec. On descend et il fait moins froid: alors, au lieu d'avoir de la neige qui nous tombe dessus, c'est de la pluie.....
Le mauvais pavement turc et le froid ont tué les pneus de nos deux Bretons. Ils doivent ainsi passer de longs moments sous la pluie à réparer des crevaisons. Ils nous envoient de petits mots par camion pour nous avertir.
"Message de Clément envoyé par camion"


"Les routes turques sont généralement en bon état mais le choix du revêtement, de la petite roche (gravel) imprimée sur une couche de bitume est particulièrement rude pour les vélos et les cyclistes. Lorsque la route vieillit, la petite roche (gravel) se détache du bitume et à chaque camion, on recoit une pluie de roches"


Nous avions souvent entendu parler d'eux, toujours un peu en avant ou un peu en arrière de nous, jamais sur notre route. Nous tombons enfin sur Émilie et Benjamin ( http://www.a-tour-de-roues.fr/), deux autres cyclistes français. Tout comme nous, ça fait un an et demi qu'ils roulent. Ils sont entrés en Turquie en compagnie de deux amis suisses qui les escortent en caravane.


On fait plus ample connaissance à Dyarbakir, capitale du Kurdestan turc. La ville est dans un drôle d'état. C'est la fête nationale et toutes les boutiques sont fermées. Les gamins font la loi dans les rues, lançant des pétards sur les touristes et maniant la mitraillette chinoise en plastique mieux que le ferait James Bond. Dans les ruelles, les chiens osseux zigzagent entre les feux de déchets alimentés par les femmes tandis que les hommes boivent le çay à même la rue, assis sur de petits tabourets de bois en jouant au Romi. C'est un peu lugubre.

"Le lac créé par le barrage d'Ataturk. C'est la source de l'Euphrate, célèbre cours d'eau qui s'écoule par la suite vers l'Iraq"



N'y a-t-il pas un dicton qui dit :" un cycliste de perdu, deux de retrouvés". Clément nous quitte pour un bref séjour en France, une deuxième Émilie et Benjamin se joignent au peloton lors de notre deuxième rencontre au pied d'un autre mont Nemrut. Pourrons-nous atteindre le sommet cette fois? Oui mais de justesse car le lendemain de notre passage, il neige et la route vertigineuse qui y mène est fermée  (peut-être pour de bon). Tout en haut, il y a une sorte de tombeau conique qui forme le point le plus haut de la montagne. Le tombeau est entouré de plate-formes et de statues de dieux égyptiens et grecs. Nous arrivons juste à temps pour le coucher du soleil.




Rouler à cinq ne durera pas longtemps. Nos routes se séparent à nouveau (ou peut-être qu'ils en avaient assez que je les conduise dans des champs boueux pour camper). Émilie la bretonne reste avec nous. Nous avons promis a Clément de prendre soin d'elle. Pôôôvre Émilie! Pas facile de vivre à trois dans une tente pour deux, d'avoir à décoder notre Québécois tout le temps et de devoir suivre la cure de sommeil qu'Amélie lui impose. Je suis pris entre Amélie et Émilie. L'une dort plus de 12 heures par nuit tandis que je surprends l'autre à lire un roman à la lumière de sa frontale à 3 heures du matin en attendant que le soleil et Amélie se lèvent.

Elle s'ennuie de Clément ..et nous aussi. Plus personne pour faire la vaisselle au petit matin ni pour nous lâcher des bombes puantes en plein milieu d'un repas. On peut même plus jouer à la Coinche! Le 13 novembre arrive la délivrance d'Émilie. Clément atterrit bientôt à Istanbul et elle doit se catapulter là-bas. On lui trouve un camion qui s'en va dans cette direction et la voilà partie. Elle fonce vers son amoureux à 100 km/h. Dans une heure, elle sera là où nous arriverons dans deux jours de vélo. Nous restons là sur l'accotement, le coeur gros, entre bûcherons. Ça y est, il n'y a plus de Francos!
"Bye bye Émilie"






mercredi 2 novembre 2011

02/11/2011 Kurdestan blanc

Notre passage dans le Kurdestan turc ne pouvait pas plus mal tomber. Il vient d'y avoir un tremblement de terre de magniture 7,2 près de la ville de Van.  Les Turcs ont bombardé le Kurdestan irakien récemment et il y a aussi eu des accrochages violents entre soldats turcs et kurdes dans le Sud. On est donc un peu sur nos gardes. À la frontière de Sero, la pluie se met à tomber, puis la neige. Le mercure descend.

"Clément en tchador!!!!!"



Au cours de nos six premiers jours en Turquie, il n'y aura pas une seule journée sans neige. Il fait froid, très froid, surtout en haut des cols de plus de 2 500 mètres. La première nuit, on recoit 10 cm de neige collante et notre tente s'écroule sous le poids. Je me réveille donc le nez collé au plafond de ma tente. Je ne sais plus ou je suis. Heureusement que nous sommes quatre, nous apportant chaleur et motivation. Cela compense pour les Kurdes qui nous font des signes qu'il fait froid en nous pointant le prochain col enneigé. Ils nous prennent définitivement pour des fous.


"À 2 700 mètres"



Quand même, nos efforts sont récompensés par de magnifiques paysages. Le lac Van est tout bleu et la terre ne tremble pas. Il n'y que nous qui tremblons (de froid) pour l'instant. Nous voilà dans la ville de Tatvan, juste à l'ouest du majestueux lac.



28/10/2011 - Accident, Téhéran, bye bye Iran

On n'avait vraiment pas l'intention d'aller dans la jungle d'autoroutes et d'échangeurs qu'est Téhéran mais nos plans ont changé brutalement lorsqu'à 16h le mercredi 19 octobre, dans la région d'Hamadan, une Peckon (la voiture nationale construite comme un char d'assaut) emboutit l'arrière de mon vélo sans crier gare. On nous avait dit que les iraniens étaient d'exécrables conducteurs mais cette fois, c'est confirmé. Parlez-en à mon épaule droite qui a violemment défoncé le pare-brise de la voiture après une glissade sur le capot.


Malgré les apparences, je m'en sors pratiquement indemne. J'ai seulement quelques éraflures dues aux nombreux tonneaux faits en roulant vers le fond du fossé de la route. Lorsque je fais mon atterrissage final sur les fesses et pousse un cri d'effroi (et non pas de douleur), Amélie décide de laisser tomber l'étiquette iranienne et me prend dans ses bras en me couvrant de baisers.  Non, heureusement, je n''ai presque rien. Par contre, mon vélo a changé de look. Ma roue arrière toute neuve, livrée récemment via Antoine-Express, a épousé la forme du pare-choc; le cadre du vélo a donc fait le grand écart pour laisser la laisser finalement sortir.



Je vous passe les détails de l'ambulance, l'hôpital, la négociation du dédommagement avec le conducteur de la voiture et finalement toute la paperasse au poste de police. La police secrète nous récupère au bout du tunnel. Ils nous interrogent courtoisement avant de décider d'essayer de nous aider à réparer le vélo, courtoisie iranienne oblige. On fait le tour des magasins de vélo aux alentours d'Hamadan, près du lieu de l'accident. Rien n'y fait. À court de solution, la police nous met dans un autobus pour Téhéran avec l'espoir de trouver moyen de réparer le vélo endommagé.

Nous voilà donc épuisés, dans un bus pour Téhéran, sans plans et avec en soute un amas de ferraille et beaucoup de bagages. Les taxis de Téhéran vont nous dévorer. On se rappelle alors que notre ami Yashar de Mashhad étudie à Téhéran et on décide de l'appeler. En moins d'une demie-heure, il nous trouve un endroit pour y loger et nous laisse savoir qu'il est en route pour nous accueillir au terminal d'autobus. Il nous envoie un SMS: "Don't worry, everything is under control".

Ainsi, on va passer notre séjour à Téhéran en compagnie de Milad, un de ses amis, et sa famille. Milad nous aidera à réparer le vélo en plus de prendre grand soin de nous, massage compris. Ce gars-là, c'est une perle. Lui et Yashar m'organisent même un surprise-party pour souligner ma fête. Une semaine plus tard, lorsqu'on se dit au revoir dans un autre terminal d'autobus, nous avons le coeur gros et on ne peut retenir quelques larmes. Ces iraniens nous auront vraiment touché au coeur.


On arrive à Orumiyeh, ville dans l'extrême ouest de l'Iran. On y retrouve nos amis francais, Émilie et Clément, avec qui nous prévoyons rouler en Turquie. Notre dernière nuit en Iran se passe chez une  famille Aziris (d'Azerbayjan) qui nous emmène à un mariage kurde et également à un mariage Aziris dans la même soirée.

16/10/2011 - Esfahan

À Esfahan, nous rencontrons Mohammad, architecte et guide, avec qui nous sympathisons. Il nous fait découvrir Esfahan et son architecture. La ville était autrefois la capitale d'Iran et le lieu de résidence du Shah (roi). On y retrouve donc de somptueux palais et mosquées.
"Esfahan"
"Avec Mohammad dans la mosquée d'Imam"


"
'La mosquée d'IMAM"


Les architectes de ces monuments étaient de remarquables mathématiciens et de très bons acousticiens. Au centre du dôme de la mosquée, un claquement de doigts peut être entendu en écho 10 fois et résonne dans toute la mosquée. Dans la salle de musique du palais royal, de petites alcôves sculptées en forme d'instruments contrôlent l'acoustique de la salle.
"Salle de musique"
"Mosquée du vendredi"

Les ouvrages de céramique présentés sur les murs sont des chefs-d'oeuvre de découpe et de juxtaposition. Lorsqu'on regarde une portion de céramique grande comme une main, la tache semble diffıcile


"Un mur entier témoin de la persévérance des constructeurs-artisans"



 "À l'échelle d'un bâtiment, le travail est colossal"

"Mosquée d'Imam - Superbe"


Imaginez une ville en céramique...voila Esfahan!


Si la ville d'Esfahan a ses palais et mosquées, Kashan, elle, se distingue par ses maisons traditionnelles. Ce sont d'immenses constructions de cours intérieures, d'escaliers, de chambres luxueuses, de cuisines et de thermes.

Sur les portes de ces maisons, deux marteaux produisant des sons très différents afin d'annoncer si les visiteurs sont des femmes ou des hommes.


"Marteaux côte-à-côte"



09/10/2011 - Yazd et le désert

De Mashhad à Yazd, nous prenons un autobus. Les cousins de Yashar nous reconduisent au terminal et tiennent à porter nos bagages jusque dans la soute de l'autobus. Vraiment, ce sont des professionnels de l'hospitalité. J'ai déjà gagné deux kilos au moins. Parlant de bouffe, ils nous ont préparé de super collations pour le voyage en autobus.

Yazd est une ville très ancienne (environ 7 000 ans) qui invite à la détente. Errer dans le dédale de ruelles et de tunnels formés par les murs des maisons d'adobe devient un vrai plaisir. Partout à Yazd, on peut voir des badgirs, tours de ventilation qui permettent de capter le vent frais du désert en été et de le décharger dans la maison, habituellement au-dessus d'un bassin d'eau afin de rafraîchir davantage.




Le désert autour de Yazd est fascinant. On y retrouve des lieux également très anciens comme la village fantôme de Khanaragh et le temple Zoroastrien de Chak-Chak.





"Khanaragh"




Le Zoroastrianisme est une religion monothéiste ancienne encore présente dans la région. Depuis plus de 3 000ans, les gens vénèrent Mazda et font brûler des feux éternels, symbole de lumière et donc de Dieu.
"Symbole Zoroastrien"

"Vue du haut de Chak-Chak"

"Temple de feu"




Les Zoroastriens croient qu'enterrer les morts pollue la terre. Ils faisaient donc comme les tibétains (voir le blogue en date du 24/08/11) et offraient leurs dépouilles aux oiseaux (bien que la pratique ne soit plus courante de nos jours).


"Tours du silence à Yazd permettant aux oiseaux de venir dévorer les morts"

02/10/2011 - Mashhad

En quittant la frontière, nous avons eu la chance de tomber sur un Wouter, un cycliste belge de 18 ans (www.berideback.be) qui nous a donné un contact à Mashhad.



Nous passons trois jours dans la famille de Yashar qui nous recoivent comme des rois. Mashhad est la deuxième ville la plus populeuse d'Iran et aussi le lieu le plus sacré du pays. L'Iran est le seul pays musulman à majorité Shiite (suivant les 12 descendants du prophète Mahomed que l'on nomme "Imam").  En plein coeur de la ville se trouve le tombeau du seul imam enterré en Iran, l'imam Reza. Nous avons eu le privilège de voir le tombeau, chose normalement interdite aux non-musulmans. L'endroit est incroyable. Le tombeau immense se situe au centre d'une chapelle labyrinthique ornementée de millions de petits éclats de miroir. La chapelle elle-même est au centre d'un immense complexe de mosquées et de cours intérieures dans lesquelles s'entassent des milliers de fidèles aux heures de prière (à l'aube, à midi et au crépuscule). Une fois dans la chapelle, on se laisse entraîner par la masse de croyants qui se dirigent vers le tombeau. À mesure qu'on s'y approche, l'atmosphère s'électrise. Une fois face au tombeau, c'est l'explosion. Les gens se bousculent, crient, pleurent, entrent en transe, etc.... L'atmosphère est tellement chargée d'émotions que nous-même, chrétiens, avions le goût de pleurer. Tout cela se passe en un éclair car la masse de gens pousse toujours derrière et vous êtes rapidement éjecté du lieu le plus saint d'Iran.


"Amélie en tchador"