itineraire mis-a-jour le 25/12/2011, 26 100 km parcourus

samedi 10 décembre 2011

10/12/2011 Les deux mondes

Aller sur la côte sud de la Turquie après trois semaines dans le Kurdestan c'est être témoin de la dualité de ce pays. On passe d'une région pauvre, rurale, à la limite de la guerre civile pour se retrouver sur le bord des plages, entourés de clubs, de bateaux et de voitures luxueux et de supermarchés 24h. Comment ces deux mondes peuvent-ils se comprendre, se complémenter? Lorsqu'on parle d'ou on vient aux Turcs de la côte et qu'on désigne l'endroit comme du Kurdestan, ils semblent agaçés. Ils y tiennent mordicus, le Kurdestan n'existe pas, c'est la Turquie. Pourtant, comment pourrait-on trouver des similarités entre ces deux régions. Je me demande si ce n'est pas un peu comme comparer le mode de vie dans la vallée du St-Laurent à  celui sur la Baie d'Ungava...

Nous n'aurions pas pu choisir un meilleur moment pour visiter cette côte. C'est vrai que certains jours sont plutôt froids et que la mer pourrait être plus chaude. Par contre, les stations balnéaires sont désertes, les routes tranquilles et surtout, nous sommes en pleine saison des récoltes. Nous campons une nuit sous les citrons, une autre sous les amandes, puis les oranges, les pamplemousses, les clémentines, les pommes grenades, les olives, les bananes, les pistaches, etc. Pourtant, en dehors des grandes villes on peine à trouver de quoi manger. C'est qu'ici la nature donne tant que les habitants se nourrissent presque exclusivement de leur jardin. On arrive pas à trouver de supermarché. Après tout, comment feraient-ils leur argent? L'argent perd justement de son utilité dans les petites communautés de la côte. Nous sommes restés chez une dame. À 8h, elle va chercher les oeufs pondus et les fruits et légumes de son jardin puis va chez ses frères et soeurs en distribuer une part. À 9h son frère apporte un litre de lait frais. Plus tard une soeur arrive avec des amandes et des oranges de sa cour. Si elle veut du miel, elle va voir son cousin dans la montagne, etc. Le troc existe donc pour de vrai et est organisé sur une structure familiale ou de village.



Je sais que je décrit ici une vision idyllique de la vie en campagne. Je ne parle pas des durs journées de labeur, ni des marriages entre cousins et des problèmes de cosanguinité qui sont plus qu'apparent, ni de l'analphabétisme généralisé ou de la montée du fanatisme religieux. Mea culpa. N'empêche que lorsque cette dame, Gülay me dit:"Ce que j'aime c'est mon village. Si j'ai ma famille comme voisin et les fruits et légumes de mon jardin sur la table, alors je suis heureuse", je ne peux que consentir.

Et puis vous n'avez pas à aller bien loin, une dizaine de kilomètres tout ou plus, à Alanya, Antalya ou Bodrum, pour vous retrouver dans une jungle de condos de luxe et de bijouteries ou les retraités allemands viennent dépenser leurs fonds de pension en attendant que le dernier tiers de leur vie s'écoule. Ils vont dans des supermarchés pour y acheter du fromage, des muslies et peut-être quelques pommes enroulées de multiples couches de pellicule plastique. L'argent perd de son sens disais-je à propos du village de Gülay. Mais lorsque tu es plein aux as, avec ta jaguar, ton condo sur la plage, ton bateau avec équipage et tes 75 ans, en est-il autrement?

Oui, sur la côte sud il y a beaucoup d'Allemands mais aussi des Turcs qui vivent à Istanbul et on une maison de vacance sur la plage. Eux aussi sont riches à craquer, éduqués et libres. Alors Amélie et moi nous demandons comment ce pays fait pour fonctionner avec tant d'inégalités et de disparités au sein de sa population. Une élite d'Istanbul prête pour l'union européenne et le cultivateur kurde vivant en quasi atarcie ...Les réponses à ces questions se trouve peut-être dans le village de Gülay qui est justement mariée à un retraité allemand au portefeuille bien rempli. Un homme très intelligent mais un peu isolé qui nous explique des preuves mathématiques pour le plaisir. Avec qui pourraient-ils discuter mathématique dans ce village? Pour moi, le mystère qui planne sur la Turquie, c'est le même que celui qui planne sur ce couple. Une magie ou force surnaturelle qui fait que ces deux mondes réussissent à vivre ensemble.
Avec Kunno et Gülay

10/12/2011 Dix photos de la côte turc

 Couchsurf à Mersin chez Orhan qui accueillait au même moment deux Syriens. Marathon de pizza, de porc, de bière, de tcha-tcha (une sorte de grappa georgien), et longues séances de karaoké en perspective. I will survive!
 Chateau de Kizkalesi sur une côte très développée. Une chance qu'il n'y a pas trop de touristes en cette saison.
Une famille turc occupée comme elle peut l'être en saison des récoltes. Toute la famille met la main à la pâte pour aider. Une fois toute les olives récoltées, le père ira, le camion chargé d'olives à la fabrique d'huile du village faire presser sa marchandise. Il reviendra chez lui avec de gros tonneaux remplis, de quoi tenir la prochaine année. Les plus grosses olives sont trempées dans l'eau dix jours pour éliminer l'acidité après quoi elles baigneront dans de la saumure. Ensuite, ne reste plus qu'à manger. Nous aussi on a décidé de faire nos olives, je transporte un petit pot de yogourt rempli d'olives et je change l'eau à chaque jour. J'espère que ça va fonctionner.
 
Le château de Namure, catch me if you can!
Antalya et le ciel violet qu'on admire matin et soir. Lorsque le violet rempli notre tente, nous savons que de tous les minarets de Turquie s'élèveront les chants de prière. Ce sera alors le moment pour nous de nous lever ou de nous coucher.
Sur la côte turc, il y a des ruines grecques et romaines absolument partout. À chaque visite de ruines, j'ai Serge Robillard, mon prof de latin en tête et les choses me reviennent: le fonctionnement des aqueducs, des thermes, les théâtres, les types de colonnes et de frises, l'empereur Damien (son préféré), etc.




Les chimères, haut lieu de la mythologie grecque situé à Çirali. Qui a fasciné et qui fascine encore. Un ensemble de flammes jaillissant des pentes rocheuses de la montagne. C'est chaud, lumineux et surtout éternel...
 
Enfin je peux vous montrer mon corps de dieu grec. En fait, l'eau est plutôt froide. Mais après une dizaine de jours sans douche, il faut faire des sacrifices pour rester propre.


Un ensemble de sources thermales et de bains de boue sur les rives du lac Koycegiz à Sultaniye. Un coin de paradis oublié ou les romains venaient tout comme nous se détendre.
C'est pas pour rien que la Turquie est le royaume du baklava. Il y a des ruches absolument partout, particulièrement dans les montagnes. Humm!